jeudi 1 novembre 2012

LE VILLAGE NÈGRE : EXTRAIT 10




La bonne année
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Le départ était toujours fixé à neuf heures moins le quart, de façon à arriver chez tante Titine à la sonnerie de neuf heures. « La chenau » était un quartier de la BTT situé du coté de la gare, à environ un kilomètre du « village nègre ». Parmi tous les cousins et cousines qui entamaient en famille, leur propre tournée, nous étions habituellement les premiers.
 
Tante Titine et nonon Marcel n’étaient jamais étonnés de notre arrivée très matinale. Après le traditionnel « bonne année, bonne santé -toi aussi mon gamin ! », nous nous attablions devant un bol de café au lait et une brioche, soumis les uns après les autres, à l’interrogatoire habituel : « est-ce que tu travailles bien à l’école ? », la réponse était toujours positive, il ne fallait surtout pas remettre en cause les pièces de monnaie préparées de façon égalitaire dans les poches de la blouse de tante Titine.
Chacun ayant reçu son argent et ses friandises, nous prétextions la longue tournée familiale qu’il nous restait à faire pour reprendre le chemin des étrennes.
Nous descendions la rue Pasteur en marchant, malgré le verglas, sur les traverses irrégulières de la voie ferrée reliant la gare SNCF à la BTT.
La deuxième étape était située rue d’Alsace, chez tante Malou. De sa maison, on pouvait voir la Rotonde, derrière le canal de l’Est. Nonon Gaston nous servait un sirop et nous répondions toujours aussi poliment « …gentil …bien à l’école …oui, on est plus grand que l’an dernier ». Parfois nous nous retrouvions avec des cousins-cousines qui faisaient leur tournée dans le sens inverse, les discussions étaient alors égayées et nous profitions d’un départ commun pour prendre congé, non sans avoir reçu, de façon discrète, les pièces qui allaient gonfler notre capital.
 
L’étape suivante n’était pas très loin, toujours rue d’Alsace, à la limite de Chavelot, chez tante Hélène et nonon Paul. Après le mot de passe « bonne année, bonne santé » suivi en écho par un «surtout une bonne santé », nous nous serrions, par manque de place, près de la fenêtre de la cuisine et pouvions ainsi regarder le canal recouvert de glace, juste sur le côté de la Rotonde. Sur le buffet, le litre de goutte* était prêt pour les plus grands. Tante Hélène se plaisait à nous raconter la dernière histoire qu’elle avait eue avec « la capitaine », sa vieille tante et voisine de palier. Nonon Paul, assis devant un casse-croûte d’onze heures, opinait du chef pour préciser que la vieille était dérangée. Un cornet* à la main, et quelques sous dans les poches, nous quittions le petit appartement très discrètement de façon à éviter la sortie de la « capitaine », qu’il aurait fallu embrasser en tant que parent, même très lointain.
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Extrait du "village nègre" livre 1


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